« Un camp ce n’est pas une maison, il n’y a pas de porte. »

Fatuma Guleed, en exil :
« un camp ce n’est pas une maison, il n’y a pas de porte. »


SON TÉMOIGNAGE

Fuyant les combats en 2006, Fatuma est sauvée par de bonnes âmes qui acceptent de la prendre sur la route, dans leur chariot. Les combats cette année-là enlèvent à Fatuma cinq de ses huit enfants.

Aujourd’hui livrée à elle-même, elle reçoit de temps en temps de l’aide de ses voisins, de la nourriture essentiellement, ce qui ne l’empêche pas de s’endormir régulièrement le ventre vide. Elle ne dispose d’aucune ressource pour survivre et dépend de cette aide aléatoire. Tous les jours, Fatuma se rend à Mogadiscio, la capitale, pour laver des vêtements. Si cette activité lui permet de gagner un peu d’argent, elle le dépense presque entièrement dans les transports.

Habiba, sa fille, vit dans le camp d’Elaasha, à 10 kilomètres de Musbah. Lorsque la crise a débuté en 2006, mère et fille ont été séparées. Habiba est restée bloquée à cause des affrontements à Baidabo. En 2011, alors que la famine frappe de plein fouet la corne de l’Afrique et atteint le nord de la Somalie, elle réussit enfin à rejoindre sa mère.

Avant de fuir Suuqa Hoolaha en 2006, Fatuma se rappelle qu’elle vivait déjà dans une grande pauvreté. Elle se souvient aussi que les gens se sont retrouvés au milieu des affrontements entre l’Union des Tribunaux Islamiques et les forces armées éthiopiennes qui soutenaient le gouvernement d’Abdullahi Yussuf, président de la Somalie entre 2004 et 2008. Lors de ces affrontements, deux de ses enfants ont été tués par des tirs de missile.

« Dans les camps, les femmes sont vraiment vulnérables. La plupart d’entre elles y vivent seules avec leurs enfants » explique Fatuma. « Un camp, ce n’est pas une maison, il n’y a pas de porte. Un homme peut rentrer à tout moment et faire ce qu’il veut sans jamais être puni. » Selon elle, bien que les cas d’agressions de femmes, des viols par exemple, ne sont pas fréquents, celles-ci vivent toujours dans la peur. Une peur renforcée par les nombreux vols dans le camp. « Presque tous les soirs, nous sommes réveillés par des cris de femmes qui pourchassent des bandits » ajoute Fatuma.

Sans beaucoup d’espoir, ni de rêves, Fatuma dit attendre le jour de sa mort. Sa vie a été brisée lorsqu’elle était plus jeune, qu’elle pouvait subvenir aux besoins de sa famille. Son mari est décédé alors qu’elle avait la trentaine, la laissant seule avec huit enfants à sa charge. Dans une telle situation, son fils aîné n’a pas eu d’autres choix de que de rejoindre une milice pour aider sa famille.


En Somalie : LE CONTEXTE DE SON DÉPART

Alors que la Somalie a été durement touchée par la sécheresse et les conflits au cours des deux dernières décennies, une détérioration de la situation pour la plupart des régions du pays a été constatée l’an dernier. Aujourd’hui plus de 1,1 million d’habitants sont déplacés sur le territoire somalien suite aux combats et à la sécheresse. Environ 893 000 d’entre eux se trouvent dans le centre-sud de la Somalie dont plus de 400 000 dans et autour de la capitale, Mogadiscio. 129 000 déplacés sont au Puntland et 84 000 d’entres-eux sont au Somaliland. Ces deux régions sont auto-proclamées indépendantes et non-reconnues par la communauté internationale.

On estime que 7% de la population somalienne est en situation d’urgence humanitaire. Les enfants représentent près de 60% de la population déplacée (UNICEF, 2013) et on estime que 75% à 80% des familles déplacées sont dirigées par des femmes (IDMC, 2014). A vingt kilomètres de Mogadiscio se trouvent deux camps de personnes déplacées, à Musbah et Daryel, dans le district de Lafoole. C’est dans celui de Musbah que vit depuis 10 années Fatuma Guleed, 87 ans. Elle fait partie des personnes qui ont été déplacées lors de l’invasion éthiopienne en 2006. Entre extrême pauvreté et manque d’aide, elle nous raconte sa lutte quotidienne pour survivre.

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Notre action en Somalie

somAprès plus de 20 ans d’instabilité politique, de violences et de privation des droits des Somaliens, le conflit est toujours en cours dans le centre-sud de la Somalie. Jusqu’à présent, la communauté internationale et les différentes autorités somaliennes n’assument toujours pas leurs responsabilités vis-à-vis de la population. Les civils sont les premières victimes de cette instabilité chronique et le degré de vulnérabilité et de traumatismes a dépassé depuis bien longtemps l’imaginable. Face à ce constat, une aide humanitaire d’urgence doit être maintenue, financée et accompagnée d’un soutien à plus long terme pour redonner aux personnes les moyens de vivre et de gagner leurs vies. Avec 1,1 million de déplacés sur le territoire somalien, l’urgence se porte sur la protection des personnes déplacées afin que leur sécurité, leurs droits et leur dignité soient sauvegardés. Aucune solution durable n’a été trouvée à ce jour pour répondre à leurs besoins. L’insécurité ne permet pas, dans la plupart des cas, un retour dans leurs foyers. Pour une majorité, cela fait des années qu’ils vivent en transit, souvent expulsés d’un camp à l’autre. Ces expulsions créent encore davantage de vulnérabilité et sont contraires aux droits des déplacés et aux droits humains. Elles doivent être fermement interdites si elles ne sont pas faites avec le consentement libre des personnes déplacées, et vers un lieu adapté disposant de services de base accessibles. Tant que ces services ne fonctionneront pas, le retour des populations déplacées et réfugiées, comme c’est le cas dans le camp kenyan de Dadaab où vivent 332 000 Somaliens, n’est pas envisageable.
L’équipe de réponses rapides a réalisé plusieurs interventions, notamment à Mogadiscio, afin d’apporter une aide d’urgence. Par ailleurs, il a été rapporté que 218 000 enfants de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë en Somalie. ACF continue donc de mener des activités en nutrition et santé (détecter et traiter la malnutrition aiguë sévère, donner un accès aux soins médicaux et aux services de santé primaire pour les enfants et les femmes enceintes et allaitantes).
Parallèlement, il s’agit de renforcer durablement la résilience des populations pastorales et agropastorales via des programmes en sécurité alimentaire et moyens d’existence. Des activités en eau, assainissement et hygiène sont développées dans les régions de Benadir et Bakool. Les sessions de promotion de l’hygiène, la distribution de kits ainsi que les opérations consistant à construire des latrines publiques et réhabiliter des puits permettent de réduire sensiblement les maladies diarrhéiques.

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Lieux d’interventions :
– El Barde
– Hudur
– Eyl
– Mogadiscio
– Équipe de coordination basée à Nairobi

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Types d’interventions :
– Nutrition, santé et pratiques de soins
– Eau, assainissement, hygiène
– Sécurité alimentaire et moyens d’existence
– Gestion des risques de désastres et adaptation au changement climatique

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#NOTACHOICE

Photographie © François Danel

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